Ca fait déjà plusieurs mois que le musical Le Roi Lion se joue au Théâtre Mogador à Paris. Cette après-midi, en me réveillant d'une agréable et reposante sieste, j'ai pris soudainement conscience que la production ne m'a même pas demandé mon avis sur le choix du gars qui joue mon personnage ! Ben ouais ! N'est pas "Moi" qui veut, d'abord !
C'est finalement Christian Abart qui a été retenu pour être l'interprète principal de mon rôle sur les planches... Bon d'accord, je l'ai vu plusieurs fois en action et je dois avouer qu'il se débrouille plutôt bien. Mais moi, ça ne me suffit pas ! Je veux en savoir plus sur lui ! Je veux être sûr de pouvoir le laisser jouer "Moi" en toute confiance...
Et bien, pour en avoir le cœur net, j'ai décidé d'aller fourrer mon museau dans ses affaires ! Allez hop ! Direction le Théâtre Mogador pour une rencontre entre mangoustes ! Et j'oublie pas ma caméra !
Sur cette vidéo, tu pourras donc assister à notre entrevue au Théâtre Mogador, comme si tu y étais. Attention, toutes les questions n'y sont pas présentées. L'interview complète a été retranscrite en texte juste en dessous de la vidéo.
N'hésite pas à la lire aussi car certaines questions n'apparaissent pas à l'image...
Interview de Christian Abart, l'interprète principal de Timon au Théatre Mogador, par Timon,
lui-même !
Retranscription complète de l'interview vidéo,
avec une bonne série de questions en plus :
Alors qu’est-ce que ça fait de rencontrer une plus grande star que toi :
Timon, le plus célèbre suricate de la planète ?
Christian Abart : C’est vrai, je suis très, très impressionné… Je te remercie d'ailleurs de t’être déplacé jusqu’au théâtre Mogador pour cette petite interview. Tu sais, c’était déjà un grand rêve de pouvoir essayer de t’interpréter sur scène. Alors, de t’avoir là à côté, devant moi, avec tes lunettes de soleil qui sont magnifiques - il faut le dire ! - c’est un grand plaisir et j’espère que je serai digne de cette interview, de toi. Parce que la vedette ici, c’est toi !
Avant toutes choses, je voudrais savoir si tu as déjà vu le film Le Roi Lion ?
Alors, le film le Roi Lion je l’ai vu au cinéma quand il est sorti et je l’ai revu, justement, pour préparer le spectacle. Quand il y a eu l’édition DVD collector, quelques années après, je savais qu’il y avait un deuxième petit DVD en bonus, dans lequel on trouvait des extraits de la comédie musicale de Broadway, qu’à l’époque je n’avais pas encore vue. Je l’ai d'ailleurs vu, depuis, à Londres mais pas à Broadway. Ce DVD bonus était la première manière d’avoir une petite idée de ce qu’ils avaient fait du film sur scène. De savoir ce qu’ils avaient fait de Timon. Certes, c’était un peu comme à Mogador, c’était furtif ! Avoir des images de Timon, ça se mérite ! Mais, sur le DVD, on apercevait les gens en train de répéter, on voyait des petits bouts du spectacle. Pour moi, avoir vu les images de ce qu’était le Timon de Julie Taymore a été une grande chance au moment du casting.
Je parle bien sûr du 1er film de la série, celui par lequel tout a commencé et dont le Musical est un digne descendant. Qu’en as-tu pensé ? Parle moi surtout du meilleur acteur du film (autrement dit moi)…
Inutile de t’attarder sur les seconds rôles et autres figurants…
Bien c’est vrai que le Roi Lion numéro un, c’est la découverte d’un acteur formidable… J’allais dire un génie, mais je suis obligé de me retenir ! Ce ne serait pas assez correct, mais il y a quelque chose de ça ! Mais quelle chance, qu’il y ait eu le numéro trois pour savoir vraiment d’où venait ce cercle de la vie qui nous prend tous les soirs et qui nous embarque ici, quelques heures… Et de savoir que, dans le Roi Lion III, on a la réponse… C’est un bonheur d’attendre ces trois épisodes… Mais c’est vrai que le premier, c’était le grand choc, avec une vedette que tout le monde... Que tout le monde ne voit pas du premier coup ! Ils croient tous que c’est Simba le héros, mais pas du tout, en fait, le vrai héros, c’est toi !
Peux-tu nous parler de toi ? Qui se cache derrière le « comédien qui chante ».
Et d’ailleurs, c’est quoi un comédien qui chante ?
Alors, le "comédien qui chante", à Paris, c’est une drôle de chose… Ca devient très à la mode maintenant que le musical de Broadway est à Paris. Les Français voient maintenant ce qu'est un vrai musical. Le "comédien chanteur" reprend de la force. Mais, pendant des années, moi qui viens plutôt du théâtre au départ, le « comédien chanteur », c’était une drôle de chose pour les gens parce qu’ils disaient « Ouais, ce sont des comédiens, ils chantent bien, mais ce ne sont pas tout à fait des comédiens ». Mais, maintenant, que l’on voit ce qu'est un musical de Broadway, que l’on voit ce qu’est du vrai théâtre musical, avec de l’action, de la chanson, le "comédien qui chante" prend tout son sens…La chanson fait progresser l’action et le musical n'est pas une sorte de répertoire de chansons qui s’enchaîneraient comme on sait trop bien le faire en France. Là, on commence à se dire que "comédien chanteur", c’est pas mal du tout et, surtout, que ce n’est pas si facile que ça. Surtout que pour faire Timon, il faut, en plus, savoir danser le French Cancan ! Et ça, ce n’est pas donné à tout le monde, mais seulement à ceux qui ont travaillé avec Julie Taymore… Sur la production de Mogador, bien sûr ! A Broadway, on peut toujours se démerder avec le Charleston… Faire des trucs… A Paris, il est impératif de savoir faire du French Cancan : c’est là que la définition du "comédien chanteur danseur" prend tout son sens.
Qu’est-ce qui fait que tu as croisé la route du musical ?
En d’autre termes, comment as-tu fait pour avoir la chance de jouer le rôle de ta vie, c'est-à-dire « moi » ?
Moi, je viens du théâtre… Si on remonte loin dans mon histoire, ça doit remonter à la maternelle et au cours préparatoire où, tout d’un coup, il y a une institutrice qui nous fait faire un spectacle de fin d’année, comme il y en a tout le temps… Je me rappelle : je faisais l’arbre… C’est un début ! L’héroïne faisait une fleur, et moi je rêvais de faire le petit lapin parce qu’il avait une scène avec la fleur et comme j’étais très amoureux de la petite fleur… Mais, bon, je faisais l’arbre ! C’est un début !
Mais j’ai senti qu’il se passait des trucs, ça me plaisait bien, même de faire l’arbre… Des années après, j’ai continué à faire du théâtre à l’école, au lycée, au collège, à la fac, et je me suis lancé dans une jeune compagnie dans les années 80. J’ai eu des ateliers aussi, où je donnais des cours et où, par hasard, j’ai retrouvé celle qui faisait la petite fleur des années et des années après… Je me suis dit « Bon, finalement j’ai gardé le bon filon », et ce plaisir là a continué comme ça…
Tout ça se situait au Pays Basque, parce que moi je suis Basque. Je ne sais pas si tu connais ? C’est très loin de l’Afrique… Très, très loin ! Bien qu'il puisse y avoir des connexions… Ouais... Au niveau des sons, dans l’air, des fois… Donc, dans mon Pays Basque, on aime bien faire les deux nous aussi, comme en Afrique. On ne sépare pas le chant, du jeu. C’est la même chose. Quand je suis allé au Congo, des années plus tard, pour faire une tournée de Shakespeare, j’ai trouvé que les Africains étaient comme nous, les Basques. Ce n’était pas, ou du théâtre, ou de la danse, ou du chant. Ils faisaient tout, en même temps ! C’était du plaisir de jouer, du plaisir de chanter. Et ce plaisir que j’avais en moi, dans le théâtre, il s’épanouissait mieux dès qu’il y avait de la musique sur scène. Et dès qu’il y a eu des spectacles musicaux, notamment le Malade Imaginaire, où il y a des balais, où il y a un orchestre sur scène, j'ai plongé… Je me suis dit qu’il y a un truc en plus ! Là, ça me plaît plus ! Et puis, au bout d’un moment parallèlement à ma compagnie de théâtre, qui faisait du théâtre très "texte" - auteurs contemporains -, j’ai commencé à faire des petits spectacles, un peu cabaret. J’ai monté des textes de Bernard Dimey qui est un parolier parisien, auteur de la chanson qui s’appelle Syracuse…(Christian Abart fredonne) "J’aimerais tant voir Syracuse", qu’à chanté Yves Montant*. Bernard Dimey a fait aussi "Mon truc en plume", qu'interprète Zazu à Paris, un autre Basque du musical, qui s’appelle David Eguren. Il cite "Mon truc en Plume", mais note que ça, ce n’est que pour les Français, parce qu’à Broadway, ils ne connaissent pas cette référence.
Ce plaisir de faire à la fois toutes les facettes de ce métier s'est concrétisé au fur et à mesure des années. Tu te dis « J’aime faire du spectacle, mais j’aime ça… et surtout ça ». Et puis, à force, tu fais de plus en plus de musicals. Et puis, avec les années, tu arrives à Paris, tu commences à passer des castings, des auditions. Et finalement, le fait de savoir chanter un peu, en plus de savoir jouer, devient un atout. Et, au bout d’un moment, le fait d’être comédien et chanteur, de pouvoir bouger aussi facilement, devient une chance. La chance pour moi, il y a deux ans, c'est de rencontrer une demoiselle qui s’appelle Ashley Haussman, qui me faisait faire, depuis des années, des castings de pub, et qui me dit : « Ben, cette fois, j’ai un casting, mais c’est pour une comédie musicale qui s’appelle Le Roi Lion… ». C’est un choc ! C’est pour moi ! C’est pour moi, parce que, grâce à la comédie musicale, je vais rencontrer Timon ! Moi qui l’avais vu sur les écrans, moi qui l’avais vu à Londres… Là, je ne plaisante plus, je n’imaginais pas une seconde qu’il viendrait à Paris ! Et là, de pouvoir te répondre à Paris, c’est trop d’émotions ! * Note de Timon : l'émotion de me rencontrer a été trop forte, Christian Abart cite Yves Montand à la place d'Henri Salvador !
Et le casting, parle-moi du casting ? Il s’est passé comment ?
T’as eu peur ?
Y’avait beaucoup de monde qui voulait être « roi » euh non être « moi » ?
Alors, au départ, il y avait beaucoup de monde. Y’a eu beaucoup de monde assez longtemps… Déjà, le projet à commencé il y a deux ans ! Stage Entertainment, (Note de Timon : la Production) a pris vite conscience des travaux à réaliser pour que le théâtre de Mogador soit digne de toi… Ils se sont dit « C’est bien Mogador, mais ce n’est pas assez bien. On va faire des travaux, on va l’améliorer pour qu’il puisse recevoir Timon, encore mieux ».
Donc, le casting a commencé très tôt en amont et a été mis un peu en arrêt pendant une année. Pendant ce temps, Stage Entertainment est allé aux Folies Bergères pour faire Cabaret, qui est une chose très intéressante, mais il n’y a pas d’animaux ! Ca a eu un certain succès, on peut dire… Mais bon, ça reste très humain comme spectacle…Cabaret a continué un certain temps puisqu’il vient à peine de se terminer. Stage Entertainment s'est enfin décidé à monter le Roi Lion pour de vrai ! Mais nous, les comédiens, nous avons encore un peu attendu, parce que les auditions ont mis du temps à reprendre… Au départ, je ne savais pas pour qui je passais, franchement. J’aurais su tout de suite que c’était pour toi… Ca aurait été très clair !
Y’avait que quelques places pour des blancs, alors quand on te vois, on se dit « T’es pas franchement blanc, non plus ». Mais voilà ! Ca c’est précisé et puis au bout d’un moment on m’a dit « Plutôt Timon ! ». Je ne sais pas à quoi ça tient. Alors j'ai répondu « Allons-y pour Timon ! ».
Bon je sais qu’interpréter mon rôle te comble de bonheur, mais si par malheur tu devais singer un autre des personnages, tu opterais, (si tu y étais vraiment forcé, je veux dire) pour lequel ?
Il faut dire que ce serait quand même un drame ! Parce que morphologiquement, il y a quand même des choses qui existent. On est comme on est... Moi je ne suis pas très grand, j’avoue que… La girafe !
La première girafe qui apparaît au début du spectacle, après que Cheeta le guépard soit passé, pendant la chanson de Rafiki. La grande, parce qu’il y en a une plus petite, la première girafe, ce serait quand même un rêve ! C’est vrai que, dans ma famille, j’ai des ascendances landaises, alors, peut être que le goût des échasses est inné… Ou un désir de hauteur, sûrement ! Le terrier ne me suffit plus. Ca serait, disons, un fantasme !
Et à ton entourage, comment as-tu fait pour expliquer que tu allais jouer certes,
une star internationale mais surtout une… mangouste ?
Ca a été un traumatisme dans le quartier ! Moi j’habite dans une petite rue du 14e arrondissement, et dès qu’ils l’ont su… Ca a commencé à la boulangerie, parce que j’ai la côte avec ma boulangère… J’avais fait une série de publicité pour une banque, quelques mois auparavant, qui était beaucoup passée à la télévision… Alors déjà j’étais un peu embêté. Elle m’offrait, de temps en temps, un pain au chocolat qu’elle rajoutait… C’était très sympa ! Mais là, lorsqu’elle a su que j’étais Timon, pour le Roi Lion, là, j’ai dû avoir le droit à toutes les nouveautés de la semaine. Chaque semaine, elle me rajoute quelque chose : un pain aux raisins, des macarons maison… Et puis surtout, chaque fois que j’arrive, c’est un grand sourire, car elle est venue t... me voir - « venu te voir », j'allais dire - (rire). Elle est venue nous voir sur scène. Alors j’ai dû donner l’affiche… Et ça, c’est un plaisir : l’affiche, elle ne bouge plus de la vitrine ! Tu verrais le nombre d’affiches à Paris pour les spectacles, elles valsent et restent une semaine ! Et bien, l’affiche du Roi Lion de la boulangerie de la rue Didot, elle est à vie mon gars !
Au fait, c’est quoi une journée type pour un comédien qui joue à être « moi » ?
Alors déjà, c’est une journée précédente qui se termine tard, parce que l’histoire du Roi Lion, dans le dessin animé c'est 1 heure, 1 heure 10, je crois… Là, sur scène, on a presque 3 heures, parce qu’il a fallu montrer la vérité du terrier de l’univers. Ca prend du temps, et puis c’est un spectacle très physique qui fait que l’on sort de scène vers 23h00. Pour pouvoir arriver à te ressembler un peu, c’est aussi beaucoup de maquillage, et donc beaucoup de démaquillage… On essaye de rentrer au terrier pas trop tard, mais les tensions sont là, parce que c’est un nerveux le gars (Note de Timon : il me montre du doigt, je sais pas trop où il veut en venir )… C’est beaucoup d’énergie concentrée, et cette énergie là, le plateau, ça la fait partir, mais y’a pas que ça ! Donc, on va essayer de se coucher pas trop tard, mais ce n’est pas très évident. Le lendemain, il faut vivre, comme tout le monde, mais en même temps, lorsque 17h00 se met à sonner, on se dit que ce soir, il faut être en forme pour être à la hauteur de Timon. Et la petite cassure se fait dans la tête et on commence à se dire « ça, je ne vais pas pouvoir le faire, ou avoir le temps de le faire tel rendez-vous… Maintenant, je commence à me concentrer ! ». Puis, on arrive au théâtre sur le coup des 18h00… On va faire son petit échauffement et après vers 19h00 – 19h30 : maquillage…. Alors là, grosse concentration ! Parce que pour incarner une vedette, il faut être frais !
Tu sais, tu vas pas toujours jouer à être « moi » toute ta vie : as-tu déjà pensé à l’après roi lion ou est-ce trop frais pour l’envisager. Et puis, d’ailleurs, t’as marqué quoi sur ton CV me concernant ?
Pour l’instant, c’est vrai que c’est difficile d’imaginer autre chose, parce que là ça fait 4-5 mois… Donc on est vraiment en plein dedans, on commence à sortir de la période de "digestion" des informations et des répétitions. Maintenant, on est bien installé, on commence à s’amuser de plus en plus… Les spectateurs sont de plus en plus réactifs… Donc, c’est vrai, je n’imagine pas un après, pour l’instant. Ce sera très dur quand ça va s’arrêter… Pour l’instant, non ! Y’a pas d’après ! Alors vivons l’instant présent à fond ! Et que diable, quoi ! Hakuna Matata !
Bon, je sais ce que c’est que d’être la star d’un groupe, mais, pour toi, justement…
Comment cela se passe t’il au sein de la troupe ? L’ambiance est comment ?
Y’en a-t-il qui voudrait te piquer ton rôle ou ont-ils tous compris qu’il était réservé aux meilleurs ?
Dans la troupe, c’est vrai que c’est un peu l’électron libre, en binôme parce que l’on ne peut pas ignorer Pumbaa… Parce que je vis pratiquement avec lui ! Tous les soirs, dans la loge, ça reste dans la tête tout le temps… Si je suis chez le primeur, que je choisi des légumes, j’ai presque l’impression qu’il va rajouter quelque chose… Qu’il n’y en a pas assez… En mettre un peu plus… Peut-être qu’il a très faim…C’est vrai qu’on se déplace pratiquement avec, tout le temps…
Mais au sein de la troupe, ça va ! L’électron libre est là pour faire rigoler, donc c’est le côté plaisant de la chose et pour l’instant, même si beaucoup aimerait avoir la place… Y’en a qui l’on déjà presque eu ! Mais bon, ils vont devoir attendre ! Le fait d’apporter la joie et la bonne humeur autour de soi, même si des fois elle est un peu râleuse, c’est quand même très agréable !
Le Timon que tu interprètes, est t’il différent du Timon du film ?
Je pense que oui ! Je n’ai pas cherché foncièrement à imiter le dessin animé, parce qu’il fallait que je t’incarne ! Et je ne t’incarne qu’avec ce que je suis, et c’est ce que nous a dit Julie Taymore de toi. On a essayé d’aller vers toi mais aussi d’amener tout ce que l’on était nous, avec notre sensibilité, notre humour, notre humeur et puis le corporel qui est ce qu’il est. C’est une sorte d’entre-deux. Mais c’est toujours comme ça pour les comédiens : approcher du personnage le plus possible, en même temps, tu le ramènes à toi pour qu’il soit sincère, parce que sinon il n’est pas vraiment sincère. C’est cet entre-deux qui fait la magie et qui fonctionne. En tout cas, pour l’instant, je n’ai pas eu trop de remarques me disant « Timon il ne parle pas comme ça… Timon, il n’est pas comme ça… ». Pour l’instant, je crois que les gens sont relativement contents et que le jeu fonctionne. Après, c’est à toi de dire, hein ?
Tu penses partager des points communs avec moi ? Tiens, par exemple, t’est-il déjà arrivé d’aller dans un de ses restaurants qui servent des sauterelles et autres insectes en plat principal ?
Oui, alors je pense qu’au niveau caractère, je suis assez nerveux. J’ai cet aspect un peu « ça démarre très vite et même au quart de poil ». Il se décide, très, très vite le garçon et il s’énerve très vite. C’est vrai que je suis très "pète sec" … Bon, ce sont des atouts quand même dans la vie qui nous apportent une certaine résistance… Qui nous amène à défendre notre place ! Le terrier, il est là et il faut quand même le défendre, même si on sait ouvrir les portes et accueillir tout le monde.
Coté restauration, j’ai été pas mal en tournée en Afrique pour d’autres spectacles… Et c’est vrai que les insectes, c’est culturel ! Y’a un truc… Toi, t’es né là dedans si je puis dire… Moi, je suis très Piperade et jambon de Bayonne ! Donc ça reste quand même un dilemme. Mais, bon, je fais un effort, j’y vais… Je me rappelle sur le bord du Lumbangi, la dernière fois, il y avait un gamin qui vendait des choses à la sauvette, qui m’a tendu une grande bassine, comme y’en a partout en Afrique, plein de ce que j’ai pris pour des cacahuètes. Et ce n’était pas des cacahuètes… Quand j’ai vu que les cacahuètes bougeaient, j’ai eu un instant de recul. Et j’ai bien vu le visage du petit garçon qui ne comprenait pas. Je lui aurai fourni, moi, des tapas epinchos, comme on en fait au Pays Basque espagnol, il aurait peut être eu la même réaction. Voilà, c’est une histoire de goût, mais je m’y suis mis... Après, c'est vrai que c’est dur ! Mais je ne lâcherai pas ! J’y arriverai !
Penses-tu avoir mis un peu de toi dans le rôle de Timon ? Ou est-ce tout bonnement impossible tant je suis exceptionnel ?
C’est impossible bien sûr !
Si tu devais n’en retenir qu’un, quel est le moment, la scène ou la réplique de Timon que tu trouves la plus "mieux" du musical ?
Quand Rafiki apparaît suspendu à une liane et que Timon demande à Nala : « C’est qui Tarzan ? », puis tout le dialogue qui suit entre eux et Pumbaa...
Bon, on l’a dit je suis « Exceptionnel », mais suis-je « lourd » ? Fais très attention à ce que tu vas répondre : saches que je peux défaire une carrière… Un coup de fil à Julie et hop…
Oui, tu es lourd ! Ce n’est pas tellement toi qui est lourd ! C’est l’équipement pour faire marcher la marionnette qui est inspiré du bunraku japonais… C’est vrai que je suis lesté de plein de choses en ferraille que j’ai du mal à oublier lorsque je les manipule. Au bout d’un moment, ça rentre quand même, on les oublie, mais c’est vrai que le poids de la marionnette m’appuie sur le plexus pendant tout le spectacle. Et notamment lorsqu’il faut chanter, parce qu’il faut chanter en faisant des petites chorégraphies, et là j’avoue que j’ai du mal à t’oublier et que je te trouve un peu lourd à ce moment précis. D'ailleurs, lorsque je dois, après le spectacle, enlever le harnachement et que je vois l’état de décrépitude de mon tee-shirt dessous, je me dis « Oulà, j’ai bien mouillé ma chemise aujourd’hui, encore »…
Pour manipuler ma « marionnette » : t’as pris des cours ? Ou tu marches seulement à l’instinct. As-tu conscience que tu es arrivé à restituer à merveille les postures des suricates et leur façon bien particulière de se tenir sur leurs pattes arrières… N’est-ce pas inconfortable à la longue pour un grand gaillard comme toi ?
C’est du temps et du travail de répétition, accompagné par les conseils de Julie et de ses collaborateurs. C'est aussi mon travail par le passé sur d’autres spectacles comme "La Savetiere Prodigieuse" de Garcia-Lorca où j’interprétais le rôle du savetier qui devient marionnettiste au cours de l’histoire, aidé par de vrais manipulateurs. Sans oublier les stages de travail de masques, de mîmes, de clowns effectués durant mes années de formation, qui m’ont été très utiles. C’est vrai que les jambes et le dos s’en ressentent…Surtout quand on joue le show deux fois d’affiler !
Considères-tu maintenant que tu peux, par simple manipulation, faire prendre à Timon n’importe quelle posture : autrement dit, es-tu arrivé au summum de ton art de marionnettiste ?
Si j’étais vraiment toi, je ne serais pas loin de le penser !
C’est très physique comme performance ? Tu suis un régime particulier pour tenir le rythme ? Au fait, pour réellement devenir un Timon, ça prend combien de temps en maquillage ?
Oui, c’est très physique et très exigeant : ça demande d’être en forme tous les soirs. D’où l’échauffement avant et beaucoup de sommeil après ! Le maquillage prend 45 minutes… Et colle bien à la peau, malgré le démaquillage et la douche !
Comment fais-tu si tu as envie d’aller aux toilettes en plein show ?
Moi, je sais me tenir… Pumbaa, lui, profite des cactus du décors ! C’est dans sa nature !
Pour faire la voix de Timon dans le musical, tu conserves ton intonation naturelle ou tu prends un « accent » particulier ?
Alors, pour faire ta voix, comme la mienne est une voix médium, je la place plus haut, au niveau des résonateurs. Mais, ça vient aussi du fait de la marionnette. La manière de la tenir fait que je suis un peu en suspend au dessus de ma voix et donc, je prend cette voix qui est un peu plus perchée et qui me paraît aussi, dans mon imaginaire et dans ce que j’ai vu de tes performances au cinéma, être proche de ta réalité. C’est une voix un peu aigüe, un peu nasale. Note de Timon : Oui, je sais... j'ai une très belle voix !
N’est-ce pas trop difficile de tenir "ma" voix durant tout le spectacle et les chansons ?
Question d’habitude et de travail. Quand je fatigue avec les aigus de ta voix si reconnaissable, je prend du repos, du conseil auprès de ma phoniatre si besoin et je fais du mime tout le reste de la journée en attendant l’heure du show !
Bon ! C’est quoi cette histoire de rongeur ? Tu devrais le savoir, nous les suricates nous ne sommes pas des rongeurs, Une bonne fois pour toute ! Arrêtez de nous faire passer pour les cousins de Tic et Tac. Tu veux bien être gentil et plaider ma cause auprès de la production pour qu’elle mette un terme à cette ignominie…
Tu as bien écouté ce que je dis ? Tous les soirs, je te défends ! Tous les soirs, je dis que je ne suis pas un rongeur à Simba qui ne comprend rien. Mais, tous les soirs, il me repose la même question et tous les soirs, je suis obligé de lui dire que je ne suis pas un rongeur et je lui fais la gueule en plus ! Je ne sais pas si t’as vu mais j’ai une mimique terrible !
Y’a un truc qui me dérange : es-tu au courant qu’une petite scénette a été coupée dans la version française ? Il s’agit du fameux moment où, avec Pumbaa, on faisait découvrir au jeune Simba, le bienfait de manger des larves et des insectes. Cette séquence est censée se situer au milieu de la chanson Hakuna Matata.
Connais-tu la raison de sa suppression à Mogador ?
Cette séquence a été coupée sur la demande de Julie lors de la création à Mogador. Ca fait partie des réajustements rythmiques du show… Qui fait déjà près de 3 heures !!
Y’a un moment où tu me fais vraiment trop honte ! On va essayer de ne pas trop en dire pour garder la surprise auprès de ceux qui n’ont pas encore vu le musical… Dans le film, je me suis déjà commis en danseuse hawaïenne… Mais là, z’avez pas honte de me faire ça ?
Oui, mais c’est Simba qui le demande, alors… j’obéis !
Comment as-tu découvert mon site ?
Par hasard, en surfant sur le net.
En tant que Timon français officiel, penses-tu que mon site est aussi bien que moi ?
Il est vraiment digne de toi !
Enfin pour finir, souhaiterais tu dire un petit quelque chose pour nos amis mangoustenautes ?
Amis des terriers, pour une fois que je vous ai en face, j’aimerais bien voir vos têtes, à vous aussi ! Vous, sortez des terriers, tous les mangoustenautes ! Les Titash, les Timauvais, tous ces gens là… Venez nous voir à la fin du spectacle ! Alors c’est simple ! Il y a une sortie des artistes ! Il ne faut pas le dire à tout le monde mais si vous attendez un peu après le spectacle… Bon, le plus dur, c’est de nous reconnaître. C’est vrai qu’une fois qu’on a enlevé l’équipement… Mais bon, en général, si on voit des gens qui attendent à la sortie des artistes, on leurs lance un sourire, s’il nous répondent, on leurs lance la conversation… Là, j’aimerais bien vous y retrouver ! Hein ? Rendez-vous à la sortie du terrier de Mogador !
Et voilà, c'est ici que se termine notre entrevue ! Je peux repartir dans mon terrier, tout à fait rassuré ! Mon rôle est entre de bonnes pattes !
Bien sûr, jamais personne ne pourra m'égaler (après tout je suis l'original !) mais, en tous les cas, je reste convaincu qu'on aurait pas pu trouver meilleur comédien pour interpréter mon extraordinaire et si sensible personne.
Je remercie de tout cœur Christian Abart pour avoir pris un peu de son temps pour causer avec son dieu vivant.
Et toi, ami mangoustenaute, tu peux retrouver Christian et tous ses compagnons de jeu en ce moment au Théâtre Mogador.
Pour plus d'infos sur ce magnifique show, n'hésite pas à consulter mon dossier sur le musical le Roi Lion : Dossier Musical Le Roi Lion
Bon ben, moi je n'ai plus qu'à enfourcher mon fidèle compagnon Pumbaa, pour reprendre la direction de la Terre des Lions... Le chemin s'annonce long... Oy... Allez, au galop, Pumbaa ! Allez, Allez ! Grouille, mon vieux ! On a pas que ça à faire !